Je finis « Naufrage » de Vincent Delecroix et j'ai la nausée. Pourtant j'en ai lu des récits de naufragés, de migrants, de misère et de souffrance. Je finis « Naufrage » de Vincent Delecroix et je pleure.
Est-ce parce que ce week-end, au moment même où je le lisais, un énième radeau a chaviré et ses occupants - ceux qui ont survécu et ceux qui sont morts - se sont retrouvés sur la digue de Wimereux ? Ils sont 182 à avoir été secourus côté français cette nuit-là. 5 sont morts. 14, 16, 24, 26 ans… 30 000 à avoir traversé la Manche l'an passé, près de 45 000 l'année précédente… Vertige. Est-ce normal de mourir noyé, quand on a 14 ans et qu'on est Syrien, quelque part entre la France et l'Angleterre ? De s'échouer au pied de jeunes du même âge qui font la fête sur la digue ?
Ou bien est-ce parce que ce livre pose la question du Mal et de son camp, si camp il y a ; parce que ce livre pose la question de notre naufrage à tous ? Le naufrage de notre société individualiste, cupide et court-termiste ? Oui je sais je suis idéaliste… Et alors.
Nous n'irons plus à Wimereux, mais les promeneurs du dimanche sur la digue n'ont pas fini de les voir passer, de les voir s'échouer, ces gens qui veulent juste vivre comme nous le voulons tous. Parce qu'il n'y a aucun autre modèle de disponible. Parce que nous échouons tous à en construire un différent - le voulons-nous ?
Je suis en colère, et j'ai la nausée.
Mais c'est pour ça qu'on lit : pour savoir, et pour être dérangé.