Voilà un livre pour les amis corses et les autres – ceux qui aiment la Corse mais n’y comprennent pas grand’chose (c’est-à-à-dire, à peu près tout le monde).
Loin de la figure romantique du bandit corse, qui perdure depuis le goût pour l’exotisme de la littérature de la deuxième moitié du XIXème siècle, Antoine Albertini nous dépeint une société traditionnelle corse où le bandit est avant tout un bandit, c’est-à-dire un criminel, et où le commun des mortels subit la loi implacable de la vendetta, de l’omerta, et de la terreur. On y comprend mieux l’âme corse, on y comprend mieux aussi le rôle des autorités du continent dans l’évolution d’une société à qui l’on a longtemps accordé un régime judiciaire d’exception – mais si une justice n’est pas la même pour tous les territoires, alors ce n’est plus une justice, et localement, on a recours à d’autres pratiques pour régler les affaires... Jamais l’auteur ne juge, n’accuse, n’excuse ni ne dénonce, ce qui fait de ce roman une lecture douce et subtile malgré les horreurs des crimes : on ne se sent pas interpellé, on ne se sent pas obligé de prendre parti ; on se laisse juste embarquer, au plus profond du maquis, sur les plateaux herbeux isolés ou dans les plages secrètes de la superbe île. A noter que tout est extrêmement documenté, puisque l’auteur s’inspire de personnages et de faits réels. Après ça, on a qu’une envie : y aller, ou y retourner !